Vers une exemption partielle de la séparation de la vente et conseil des produits phytos ?

C’est ce que suggère un rapport du CGAAER qui, sur la base du « lien de confiance entre distributeurs et agriculteurs », propose de réinstaurer, sous conditions, le cumul de la vente et du conseil, alors que ni le Conseil stratégique phytosanitaire ni le conseil indépendant ne compensent le vide généré par la loi Egalim 1. Vide tout relatif...

« Sur le terrain, rien n’a vraiment changé́ dans les faits, les technico-commerciaux des entreprises de vente / négoce continuent à prodiguer du conseil correspondant dans les faits au conseil spécifique. Ce conseil est apporté de façon exclusivement orale, les conseillers ne rédigent plus aucun document, avec pour conséquence de reporter toute la responsabilité de l’emploi des produits phytopharmaceutiques sur l’agriculteur ». C’est ce que relève un rapport du Conseil général de l’agriculture de l’alimentation et des espaces ruraux (CGAAER) datant de février 2023 mais publié seulement le 30 mai dernier, soit 15 mois plus tard.

Les dates ont leur importance. En février 2023, il reste moins d’un an aux agriculteurs pour décrocher leur Conseil stratégique phytosanitaire (CSP), formalité indispensable au renouvèlement du Certiphyto qui conditionne lui-même la possibilité d’acheter des produits phyto, conformément à la loi Egalim 1 d’octobre 2018. Problème : deux tiers des agriculteurs seront dans l’incapacité décrocher leur CSP, faute d’anticipation et d’offre de formation, devise la mission du CGAAER.

Une crise agricole et 12 mois plus tard, le 2 févier 2024, le gouvernement décrète une « pause » sur Ecophyto et supprime le CSP dans sa forme actuelle. Depuis, la Stratégie Ecophyto a été publiée mais le sort du CSP, gravé dans la loi,  n’est pas encore tranché. Une nouvelle mission est de nouveau à l’œuvre sur le CSP mais aussi sur la séparation capitalistique de la vente et du conseil et sur les Certificats d’économie de produits phytosanitaires (CEPP), le tout supposant un nouveau véhicule législatif pour amender Egalim 1.

En ce qui concerne la séparation de la vente et du conseil (SVC), le rapport de février 2023 avait formulé une recommandation, consistant à « assouplir » le dispositif. « L’implication des acteurs économiques est indispensable, compte tenu de la réalité de terrain : qu’ils interviennent dans le cadre de démarches de contractualisation ou uniquement de prestations commerciales (vente de produit phytos), leurs conseillers sont les interlocuteurs privilégiés des agriculteurs, lit-on dans le rapport. La connaissance mutuelle et leur lien de confiance sont ainsi des facteurs qui doivent être pris en considération. Il apparaît donc nécessaire d’associer les acteurs de la vente, en mettant en place des garde-fous ».

Pas de marché pour le conseil indépendant

Le rapport écarte au passage la piste du conseil indépendant. « La plupart des acteurs estiment qu’il n’y a pas vraiment de modèle économique, ni de marché en perspective, pour ce type de prestation, indique le rapport. Le lien de confiance entre l’exploitant et son conseiller es un facteur important ; il est donc difficile pour de nouveaux venus. Les mieux placés pour faire de la stratégie sont ceux qui suivent régulièrement les exploitations sur le terrain et en connaissent tous les éléments économiques et techniques ». Autrement dit les technico-commerciaux...

Une exemption « ciblée, encadrée et partielle »

Le rapport suggère ainsi de créer une nouvelle catégorie d’exemption à l’obligation de la SVC « ciblée, encadrée et partielle », contrairement à celle prévalant pour les exploitations certifiées bio et HVE. Et de citer des garanties en termes d’organisation et de fonctionnement interne afin d’assurer l’indépendance du conseil, l’obligation pour les agriculteurs de s’engager dans une certification environnementale ou encore la mise à disposition une palette d’outils concourant à la réduction des produits phytos (OAD, biocontrôle, etc.).