Vers une alimentation climato-compatible

C’est l’objectif la future Stratégie nationale de l’alimentation, de la nutrition et du climat (SNANC) que l’IDDRI considère comme l’outil d’orientation de la demande, apte à traduire dans une assiette plus végétale, bio et locale, une transition agroécologique au champ plus sobre en pesticides, fertilisants et antibiotiques.

Le 1er juillet prochain sera instaurée la Stratégie nationale de l’alimentation, de la nutrition et du climat (SNANC), conformément à l’article 265 de la loi Climat et résilience promulguée en août 2021. Objectifs : instituer une alimentation durable, moins émettrice de gaz à effet de serre, respectueuse de la santé humaine, davantage protectrice de la biodiversité, favorisant la résilience des systèmes agricoles et des systèmes alimentaires territoriaux et garante de la souveraineté alimentaire, ainsi que les orientations de la politique de la nutrition, en s’appuyant sur le Programme national pour l’alimentation (PNA) et le Programme national nutrition santé (PNNS).

Une transition alimentaire dans les esprits, pas dans les actes

Vaste programme. Car selon l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), l’action publique n’est pas, en l’état actuel, à la hauteur des  enjeux et des défis de la transition alimentaire. Et de citer la consommation de viande par habitant qui ne baisse plus et qui s’avère très éloignée d’une trajectoire compatible avec nos objectifs environnementaux, la bio qui reste un marché de niche (6% des achats), la question du bien-être animal qui n’est pas devenue un réel critère d’acte d’achat ou encore l’attrait pour le local qui n’a pas modifié les grandes masses de la consommation alimentaire et des circuits de distribution (61% des achats en grandes surfaces).

Par ailleurs, les recommandations nutritionnelles ne sont pas suffisamment mises en œuvre, notamment concernant la hausse de la consommation de fibres et de fruits et légumes, et la baisse de la consommation de charcuterie et, dans une moindre mesure, de viande (hors volaille). Les inégalités sociales liées à l’alimentation demeurent, tandis que la précarité alimentaire atteint des chiffres records : 17% des adultes selon l’Anses. De son côté, l’Igas évalue à 9% la population ayant recours à l’aide alimentaire. Selon l’IDDRI, si la transition alimentaire est dans les esprits, elle ne se traduit pas en actes.

Le postulat erroné du « consommateur responsable »

La faute aux politiques publiques alimentaires qui, selon l’IDDRI, reposent principalement sur des dispositifs d’information et d’éducation du « consommateur-citoyen ». Face aux enjeux alimentaires, le consommateur est mis en responsabilité : il s’agit d’orienter ses conduites, comprises comme résultant de choix individuels. Dans ce paradigme, l’État, dont l’action directe sur les pratiques alimentaires est considérée comme illégitime, doit donc chercher à atteindre les objectifs collectifs (la santé publique par exemple) par des mécanismes incitatifs qui accompagnent et conseillent les consommateurs.

"Une action publique limitée à l’information et à l’éducation a un effet limité voire nul sur les comportements alimentaires"

Un tel paradigme repose ainsi sur le postulat erroné que le consommateur « responsable » et « bien informé » sera en capacité de faire les « bons » choix sans pour autant que le législateur ne rogne sur sa liberté individuelle. Or selon l’IDDRI, « la littérature s’accorde sur le fait qu’une action publique limitée à l’information et à l’éducation a un effet limité voire nul sur les comportements alimentaires et que cette approche ne permet pas des changements sur le long terme ».

Par ailleurs, mettre l’accent sur la responsabilité des citoyens est une stratégie mobilisée pour éviter la remise en question du système alimentaire existant, ce qui encourage de fait l’immobilisme au niveau des politiques publiques. Ce modèle, qui viserait à préserver la liberté de choix du consommateur, en limitant l’action publique, revient en réalité à laisser les intérêts privés dominer les environnements alimentaires et ainsi à façonner les préférences et les pratiques alimentaires des consommateurs. Enfin, le narratif centré sur la valorisation du « consom’acteur » qui fait les « bons » choix en matière d’alimentation s’avère aveugle aux inégalités sociales.

L’IDDRI estime que la puissance publique doit se saisir de la SNANC pour réorienter la politique alimentaire et notamment inverser le poids de la responsabilité. « L’action publique ne doit pas peser sur les consommateurs par le biais d’une réduction de leurs libertés individuelles mais elle doit s’exercer sur les principaux acteurs qui façonnent les pratiques et l’environnement alimentaires », juge l’IDDRI.

Les 12 propositions de l’IDDRI pour enclencher une action cohérente et ambitieuse sur les environnements alimentaires (Source IDDRI)
Les 12 propositions de l’IDDRI pour enclencher une action cohérente et ambitieuse sur les environnements alimentaires (Source IDDRI)

L’institut formule 12 préconisations porteuses de changements dans les quatre champs de l’environnement alimentaire. « Le concept d’environnement alimentaire, compris comme les conditions physiques, économiques, socio-culturelles et cognitives de nos pratiques alimentaires, est un outil pertinent pour analyser les pratiques existantes, ce qui les contraint, et pour penser une stratégie de transition alimentaire. Agir sur les environnements alimentaires, en encadrant plus fortement les stratégies des acteurs privés et tenant compte de la diversité des pratiques alimentaires, permet de restaurer la liberté des consommateurs ».

L’IDDRI considère la SNANC comme l’outil d’orientation de la demande, apte à traduire dans l’assiette (plus végétale, bio et locale, moins de pertes) la transition agroécologique au champ (moins de pesticides, de fertilisants et d’antibiotiques) pour atteindre l’ensemble des objectifs environnementaux nationaux et européens.