Une prochaine campagne au climat chaud et incertain

Les récoltes de céréales qui débutent dans l'hémisphère nord marquent la fin d’une campagne 2021-2022 qui a vu s’envoler les cours des matières premières agricoles vers des niveaux de prix inégalés. Les perspectives de prix restent élevées pour la prochaine campagne, mais le contexte géopolitique est incertain et l’annonce d’un “triple El Niña” n’est pas de nature à rassurer.

[Edito] Plus de 55 €/t séparent les prix du blé actuels des précédents niveaux record de 2012-2013 : la campagne 2021-2022 aura été historique, marquée entre autres par la pandémie de covid et la guerre en Ukraine. Si cette guerre a exacerbé les tensions et la volatilité, rappelons que les marchés des grains étaient déjà tendus avant le début de ce conflit. Pour expliquer ces niveaux inédits de prix, les experts pointent notamment la présence renforcée des fonds financiers sur les marchés à terme agricoles depuis le début de la pandémie. Les spéculateurs ont parié sur une évolution haussière des cours, venant amplifier les niveaux de prix, aussi bien à la hausse qu’à la baisse lors des prises de bénéfices. 

Ces acteurs pèseront-ils sur la prochaine campagne ? Celle-ci va s’ouvrir dans un fort climat d’incertitudes, entre l’issue du conflit russo-ukrainien et les craintes d’une récession mondiale. Pour les analystes, le prix des grains devrait cependant rester sur des niveaux élevés, malgré les inflexions observées dernièrement. 

La Niña ne veut pas s’arrêter

Hormis le climat géopolitique, c’est le climat, tout court, et plus précisément le changement climatique, avec son intensification des conditions météorologiques extrêmes, qui risque aussi de faire chauffer les prix. En France, cette année en est l’illustration totale : sécheresse, gel, canicule et grêle ont tour à tour durement frappé les productions agricoles. 

Le reste de la planète a aussi connu des phénomènes exceptionnels, entre records de chaleur, inondations, ouragans et sécheresses. Autant d’épisodes marqués par le phénomène climatique La Niña, qui influence directement la météo d'une partie du monde et qui a débuté en septembre 2020. Or, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) a publié le 10 juin une nouvelle peu réjouissante : La Niña pourrait perdurer pour une troisième année consécutive. 

« Le changement climatique amplifie les effets des phénomènes naturels tels que La Niña et influe de plus en plus sur nos conditions météorologiques, ce qui se traduit notamment par une chaleur et une sécheresse plus intenses ainsi que par des précipitations et des inondations records », a déclaré le Secrétaire général de l’OMM. 

A noter que le phénomène La Niña correspond au refroidissement des eaux de surface dans l’océan Pacifique équatorial. On ne peut que redouter le retour de son “frère” El Niño dans les années à venir, qui se traduit par une hausse des températures et pourrait encore aggraver le réchauffement climatique, rendant le climat des futures campagnes toujours plus incertaines.