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[Témoignage] Le travail en commun d’une cuma et d’une banque de travail
MUTUALISATION/ La particularité de la Cuma du Chêne à Chassignolles, est qu’elle ne se limite pas à une mutualisation de matériel. Une bonne partie des adhérents ont constitué une banque de travail qui permet d’effectuer des chantiers de manière collective.
La Cuma du Chêne est une structure un peu particulière. Située à Chassignolles et œuvrant dans les alentours, elle a vu de nombreux journalistes se succéder au pas de sa porte. Elle a également gagné le Ruban vert, une récompense du Crédit Agricole pour les initiatives innovantes locales.
En effet, en plus d’avoir une Cuma qui fonctionne dans la durée, elle parvient même à accueillir de nouveaux membres pour remplacer ceux qui partent à la retraite.
Ce qui ne l’empêche pas d’entretenir des liens avec d’autres Cuma en y détenant des parts sociales dans du matériel utilisé occasionnellement. Une habitude qu’ont aussi d’autres coopératives, mais sa particularité se trouve dans sa banque de travail.
En effet, parmi sa vingtaine d’adhérents, neuf sont membres de ce système de travail en commun. La Cuma du Chêne a vu le jour en 1987 grâce notamment au grand-père de Benoît Charbonnier, l’actuel président.Dominique Charbonnier, son père, en fut ensuite le président de 1991 à 2023. En 1995 à la suite d’un stage d’organisation du travail organisée par la chambre d’agriculture, certains adhérents décident de s’organiser en banque du travail. Pour profiter de temps en temps des weekends ainsi que de quelques semaines de vacances dans l’année, cette formule semble idéale.
UNE COMPLEXITÉ QUI CACHE UNE GRANDE FLUIDITÉ
L’unité d’échange de la banque repose sur des heures faites par chaque agriculteur. Elles sont notées sur un carnet à chaque utilisation d’un matériel, en se basant tout simplement sur le compteur du tracteur. Est aussi consigné l’adhérent chez qui le travail est effectué. A l’heure du bilan en fin d’année, l’idéal est d’arriver à l’équilibre, autrement dit qu’entre les heures fournies et les heures reçues, le solde soit nul.
En cas d’excédent, l’adhérent sera convié à lever le pied l’année suivante. A l’inverse en cas de déficit, l’agriculteur est redevable d’heures qu’il devra rendre. Les membres de la banque feront alors appel en priorité à lui pour qu’il les rattrape.
Pour Benoît Charbonnier, ce système permet une entraide proportionnelle. En effet, auparavant, les agriculteurs s’aidaient mutuellement sans compter leurs heures ou la nature du service. Ainsi des agriculteurs avec peu d’hectares se sentaient obligés de rendre la pareille à leurs collègues dotés de structures plus importantes, sans prendre en compte qu’ils n’avaient pas la même surface. Ils faisaient alors deux fois plus que le service qu’ils avaient reçu au détriment de leurs propres exploitations.
Des unités sont attribuées à chacune des taches, poste et matériel attelé, dont les valeurs sont fixées, après concertation, par le trésorier adjoint, Arnaud Labesse.
Avec la banque de travail, certaines tâches prennent plus de temps et sont donc considérées comme telles. Des unités sont attribuées à chacune d’elles, poste et matériel attelé, dont les valeurs sont fixées, après concertation, par le trésorier adjoint, Arnaud Labesse.
EFFICACITÉ ET CONVIVIALITÉ : DES ÉLÉMENTS CLÉS
Christian Rochoux, trésorier de la Cuma depuis 1987 et utilisateur de la banque de travail, en vante la souplesse et la réactivité.
En effet, ceux qui ont des enfants peuvent se permettre d’aller les chercher à l’école car ils savent que leurs champs sont travaillés par leurs collègues. Ils peuvent parfois partir en week-end et surtout prendre des semaines de vacances, même si comme lui, la plupart sont en polyculture-élevage.
Le 14 juillet dernier, les agriculteurs de la banque de travail se sont ainsi organisés pour pouvoir profiter de leur soirée ou de leur journée.
Pour Benoît Charbonnier, c’est une affaire de « confiance et de communication ». Sinon, cela ne fonctionne pas. En effet, il considère que comme partout, il y a de « fortes têtes » au sein de la coopérative et de la banque. Ainsi, en cas de conflit, par exemple sur la décision d’acheter ou non une nouvelle machine, une réunion est rapidement organisée pour « crever l’abcès ».
Autre point éventuel de crispation : l’entretien du matériel pour lequel la Cuma fait preuve de beaucoup d’exigences. Aussi, chaque responsable matériel doit en prendre soin. En cas de manquement cela peut créer des tensions, vite endiguées via une bonne communication et l’entraide.
La convivialité est aussi le maître mot de la coopérative et de la banque, malgré un règlement strict car : « il fonctionne. Si quelqu’un a des idées de changements, on est ouvert mais on fait attention à ce que notre dynamisme soit conservé », souligne le président.
Pour marquer les vingt ans de la Cuma, un voyage au Futuroscope a été organisé pour les adhérents et leurs familles. Dans quelques jours, un barbecue aura également lieu pour célébrer la fin des récoltes, ce qui rappelle les fêtes des moissons d’autrefois.
FACTEUR DE LIENS
Christian Rochoux et Benoît Charbonnier pensent que ce fonctionnement contribue à sortir de l’isolement beaucoup d’agriculteurs et peut prévenir les suicides. Les membres de la Cuma sont aussi impliqués dans des associations non-agricoles : APE, foot, etc.
Cette volonté d’entraide se concrétise également via une mutuelle coup dur, mise en place pour venir aider ceux qui ont besoin de se faire opérer, sont malades, etc.
L’efficacité de la banque de travail inspire un groupe de travail informel au sein de la Cuma du Chêne et une nouvelle banque de travail pourrait bien naître. Cette année, l’actuelle banque s’est encore illustrée par son efficacité : ses membres ont récolté 300 hectares de foin en une semaine. Un travail en commun qui leur a évité de rentrer du foin humide.