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SIA 2025 : Le Maroc invité spécial, sur fond de tensions franco-algériennes
Cette 61e édition du Salon International de l’Agriculture (SIA), qui se tiendra du 22 février au 2 mars 2025, marque un tournant historique avec la mise à l’honneur d’un pays étranger : le Maroc. Si ce choix, porté par le nouveau président Jérôme Despey, reflète une volonté de renforcer la dimension internationale de l'événement, il intervient dans un contexte diplomatique tendu entre la France et l'Algérie, avec des répercussions déjà visibles sur les exportations agricoles françaises.
Ce rapprochement renforcé franco-marocain intervient dans un contexte de relations tendues avec l’Algérie. Le point de départ des crispations a été la reconnaissance de la France, en juillet 2024, de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Cette décision a provoqué une réaction immédiate d’Alger, avec le rappel de son ambassadeur à Paris. À cela se sont ajoutés d’autres événements aggravants : la détention en Algérie de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal depuis novembre 2024, vivement critiquée par Emmanuel Macron à l'encontre d'Alger. Ensuite, l'arrestation en France de plusieurs influenceurs algériens et franco-algériens pour apologie de la violence a jeté de l’huile sur le feu. Enfin, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a exclu toute visite en France, qualifiant une telle démarche d’ “humiliante”.
L'Algérie n'importe plus de blé français
Ces tensions diplomatiques ont eu des répercussions directes sur le commerce agricole entre les deux pays. L’Algérie, partenaire historique de la France dans ce domaine, a drastiquement réduit ses importations de blé français. Alors qu’elle importait entre 2 et 6 millions de tonnes par an dans les années 2010, ce chiffre est tombé à seulement 31 500 tonnes en juillet 2024, avant d’atteindre zéro depuis la fin de l’année. Cette situation est aggravée par une mauvaise récolte française et une concurrence accrue du blé russe, favorisée par une modification du cahier des charges algérien en 2021. FranceAgriMer a ainsi revu à la baisse ses prévisions d'exportations françaises vers les pays tiers à 3,5 millions de tonnes pour 2024/2025, contre plus de 10 Mt sur les deux campagnes précédentes.
Une collaboration franco-marocaine renforcée
Dans ce contexte tendu avec l’Algérie, la mise à l’honneur du Maroc au SIA prend une dimension particulière. Jérôme Despey, nouveau président du Salon International de l’Agriculture, défend ce choix comme un moyen de renforcer les échanges internationaux. Une décision saluée par El Mahdi Arrifi, directeur de l’Agence pour le développement agricole du Maroc, qui exprime sa fierté d’être le premier pays mis à l’honneur
Le Maroc est un partenaire historique de la France dans le domaine agricole et participe au SIA depuis 12 ans. En avril 2024, huit accords agricoles ont été signés entre les deux pays pour encourager des collaborations dans des domaines tels que la gestion des ressources hydriques ou l’innovation technologique. Jérôme Despey souligne également que « les Marocains ont réussi à trouver des solutions innovantes face à des défis comme la sécheresse ou la gestion de l’eau », des problématiques partagées avec le sud de la France, “nous avons beaucoup à apprendre de nos homologues marocains”. Le but de la venue du Maroc est aussi de “répondre aux défis communs de l’agriculture et partager nos savoirs notamment, le réchauffement climatique, l'innovation et l’enseignement”.
Des tensions entre producteurs français et marocains
La mise à l’honneur du Maroc risque de ne pas faire que des heureux parmi les producteurs français. Le royaume bénéficie depuis 2012 d'un accord de libre-échange avec l’Union européenne, lui permettant d’exporter jusqu’à 285 000 tonnes de tomates sur le marché communautaire entre octobre et mai, avec un avantage fiscal significatif. Cet accord vise à répondre à la forte demande hivernale en Europe. Mais, les prix extrêmement bas sont souvent perçue comme une concurrence déloyale par les agriculteurs européens.
En mai 2024, sous l’égide d’organisations agricoles françaises comme la FDSEA et Légumes de France, un barrage filtrant avait été organisé pour bloquer les poids lourds transportant des tomates marocaines. Si cette action n’a pas eu d’impact significatif en France, elle a conduit au rejet et à une très forte destruction de tomates marocaines en Espagne. Annie Genevard, ministre française de l’Agriculture, reconnaît ces tensions mais insiste sur la nécessité d’un dialogue constructif : « La venue du Maroc au SIA doit être une opportunité d’échanger sur nos complémentarités tout en protégeant la souveraineté alimentaire de chacun. »
Enfin, ce rapprochement franco-marocain pourrait exacerber pour le Salon International de l'Agriculture, encore davantage les tensions avec Alger. La ministre Annie Genevard espère toutefois que ces enjeux géopolitiques resteront en dehors du cadre du Salon : « La volonté est de dialoguer sur nos échanges tout en respectant chacun et en trouvant des synergies. » Mais dans un contexte où les relations internationales influencent directement les flux commerciaux agricoles, il semble difficile d’isoler totalement ces problématiques.
Cependant, Annie Genevard voit dans cette occasion de créer une synergie sur les questions agricoles et de ne pas céder aux sirènes du protectionnisme. Outre ces questions, les visiteurs pourront se délecter des spécialités et produits labellisés au pavillon marocain qui occupera un espace central au sein du Salon de 476 m2. Rappelons-le, la cuisine marocaine a été élue meilleure cuisine du monde l'année dernière !