Pierre Thomas (Modef) : « Le dossier des revenus doit figurer en haut de la pile »

Le Modef réclame l’instauration de prix minimum garantis et de coefficients multiplicateurs ainsi que la stricte application d’Egalim, ou encore la suppression de la refiscalisation du GNR. Le syndicat prêche également pour une loi d’orientation plus ambitieuse pour les jeunes et une réforme de la Pac reposant sur des aides à l’actif.

Après la FNSEA et les JA, la Coordination rurale et la Confédération paysanne, des représentants du Modef ont été reçus successivement par le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau et par le Premier ministre Gabriel Attal le 24 janvier. « Pour le Modef, le dossier des revenus est très clairement en haut de la pile », indique son président Pierre Thomas. Nous avons réclamé l’instauration de prix minimum garantis par l’Etat et de coefficients multiplicateurs pour éviter une inflation galopante. Le revenu, c’est aussi des charges. La suppression de la détaxation du GNR est un signe extrêmement mauvais, même si l’Etat a dit qu’il la compenserait. Pour les agriculteurs, cela veut dire : "Monsieur, on vient vous demander un petit chèque". C’est ça aussi qui a blessé les agriculteurs ».

"Une crise, ça a un début et une fin, le début il est très loin et la fin on ne sait pas si on va la voir maintenant"

Le syndicat réclame également que la stricte application d’Egalim, véritable « point noir », tant du point de vue de la défense du prix de la matière première agricole dans les négociations commerciales que des taux de produits de qualité en restauration collective, que « l’Etat n’applique pas à ses propres cantines ». Mais le Modef entend se projeter et faire des propositions dépassant le coup de fièvre actuel, que le Premier ministre escompte bien faire retomber en fin de semaine avec l’annonce des premières réponses du gouvernement. « Une crise, ça a un début et une fin, le début il est très loin et la fin on ne sait pas si on va la voir maintenant », devise Pierre Thomas. On a un taux de suicides en agriculture cinq fois supérieur à la corporation qui nous suit derrière, les forces de l’ordre. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans la maison agricole depuis fort longtemps ».

Loi d’orientation et réforme de la Pac

En ce qui concerne le Pacte d’orientation en faveur du renouvellement des générations, qui devait être présenté en conseil des ministres le 24 janvier mais qui a été reporté de « quelques semaines » pour y inclure des éléments de « simplification », le Modef dénonce un projet « peu ambitieux » pour attirer des jeunes candidats à l’installation, faute moyens d’accès au foncier et au capital d’exploitation. « Plein de gens sont intéressés par l'agriculture, argumente Pierre Thomas, mais au-delà des conditions techniques, il y a aussi des conditions politiques. Quel type d’agriculture on veut ? Comment on y va et est-ce qu’elle va permettre de faire manger son bonhomme correctement ? ».

"On ne fait pas rêver des jeunes avec du matériel mais avec des conditions de vie"

Le Modef se projette également dans la prochaine réforme de la Pac, qui va s’inviter dans les débats dès 2024 dans le cadre du bilan à mi-parcours de la programmation actuelle. « Il faut en finir avec ces aides à l’hectare au profit d’aides à l’actif, qui pourraient permettre à un certain nombre d’agriculteurs de s’adapter plus rapidement au changement climatique et à l’absolue nécessité d’une préservation de l’environnement, souligne le président du Modef. Aujourd’hui, on a une Pac qui tire les prix vers le bas et qui pousse à la défiscalisation dans le matériel. On ne fait pas rêver des jeunes avec du matériel mais avec des conditions de vie ».

Le Modef va continuer de se mobiliser sur le terrain, notamment en Corrèze et dans le Puy-de-Dôme, pour porter ces revendications et d’autres, comme celles de la simplification, sans tomber dans le populisme. « Il ne s’agit surtout pas de dire : ne nous embêtez plus sur les exploitations, on veut la liberté complète, on se fout complètement de la gestion de l’eau, de l’environnement, du changement climatique. Pas du tout. On a besoin d’orientations cohérentes ».