Malaise agricole : le diagnostic de la FNSEA et des JA posé à Gabriel Attal

Les présidents de la FNSEA et des JA, Arnaud Rousseau et Arnaud Gaillot, ont exposé au Premier ministre et à son ministre de l’Agriculture les motifs de la colère des agriculteurs, dont les actions vont se poursuivre semaine en attendant les réponses du gouvernement. Extraits du point presse donné à l’issue d’une entrevue de deux heures.

Malaise des agriculteurs : « d’abord une crise morale »

« La première thématique abordée avec le Premier ministre, c’est celle de la dignité du métier d’agriculteur car aujourd’hui, c’est d’une crise morale dont on parle. C’est l’incompréhension du monde agricole sur ce qu’est la réalité de son action, sur la grandeur du métier, sur la fierté de nourrir les Français, sur fondements mêmes du métier (...) Beaucoup d’agriculteurs s’interrogent sur finalement ce que veulent les Français. Ils ont l’impression de faire une alimentation de qualité, ils ont l’impression de servir la France et pour autant ce qui leur est renvoyé ce n’est pas ça (...) Cette question de la dignité du métier, de la reconnaissance du métier d’agriculteurs, de la place de l’agriculteurs dans la société, de comment on nourrit, comment on impacte moins l’environnement, comment on restaure les sujet de biodiversité, comment on répond à la décarbonation, comment on relève le défi climatique, tout ça, ce sont des questions qui questionnent les agriculteurs et force et de constater qu’il ne trouvent pas leur place ».

Revenus et compétitivité : « Une liste assez longue »

« Il y a beaucoup de sujet autour du revenu et de la compétitivité, on a déposé une liste assez longue (...) Dans un moment où la France importe un tiers de son alimentation et où les injonctions paradoxales ne cessent pas, on nous demande de monter en gamme, on nous demande de la qualité, de la proximité de la naturalité et pour autant, l’acte de consommation n’est pas celui-là, dans un monde ouvert à des importations qui n’ont ni nos normes ni nos critères (...) Evidemment la question de l’eau qui est centrale en agriculture, on ne fera pas d’agriculture sans eau, la question des moyens de productions, comment demain on peut trouver des moyens de productions qui nous garantissent d’avoir du revenu. Je pense aux produits phytosanitaires, à la manière dont demain on aura d’autres solutions alternatives pour peu qu’on investisse mais qu’on ne nous mette pas dans des impasses, qu’on n’ait pas d’interdiction sans solution qui conduise finalement à importer plus d’alimentation et à détruire l’agriculture française ».

Exercice du métier : « sortir de la peur »

« Qu’est-ce qui fait qu’un agriculteur tous les matins va demain être capable de sortir de la peur qui est la sienne d’être systématiquement contrôlé, considéré comme quelqu’un qui ne respecte pas le cadre de la loi, alors même que tous ceux qui sont des gens honnêtes sont régulièrement en infraction parce que c’est devenu trop compliqué, trop de normes, trop de sur-réglementation ».

Simplification : « qu’on nous dise d’abord ce qu’on fait sauter »

« La simplification, c’est un serpent de mer auquel on a déjà eu droit, donc pour y croire, il faut qu’on nous dise d’abord ce qu’on fait sauter (...) On a un certain nombre de propositions, notamment sur le GNR. Les agriculteurs doivent demander le remboursement, après plusieurs mois de l’avance qu’ils ont opérée. 35% des agriculteurs ne demandent pas ce remboursement qui leur est dû. Il nous paraît assez logique d’avoir cette remise immédiatement, ce qui faciliterait d’abord la lecture de ce qu’est cette fiscalité positive, éviterait   d’avancer de la trésorerie et de faire des déclarations informatiques ».

Report de la loi d’installation : « oui mais pas trop »

« On est d’accord pour prendre un petit de temps sur le Pacte d’orientation pour le renouvellement des générations et intégrer des sujets de simplification mais pas question de prendre des mois de retard (...) On a ré-insisté sur le maintien du calendrier, sur le fait qu’on a de vrais besoins de mesures fiscales pour accompagner la transmission, on a rappelé les besoins de formation, d’attractivité ».

Europe : « On y tient mais... »

« On a dit très clairement au Premier ministre que l’Europe, c’était la cadre dans lequel on voulait agir, mais que cette Europe, elle nous questionnait (...) Cette Europe, on a besoin aussi de la remettre en question car la manière très administrative de la faire n’est plus comprise par les agriculteurs, on ne peut pas avoir des dates qui régentent nos actions dans nos champs, on ne peut pas avoir des obligations des réimplanter des prairies quand on n’a plus d’animaux. Il y a des lignes à faire bouger, je pense notamment au cadre de la Pac, les 4% de non production que les agriculteurs ne comprennent pas, les directives sur l’élevage industriel, tous les sujets autour des NBT ».

Green deal : « remettre en cause la vision décroissante »

« On a discuté avec nos homologues européens, les allemands, les italien et d’autres pays, tout le monde est concentré sur le même objectif : faire en sorte que la vision décroissante du green deal soit remise en cause, ce qui ne veut pas dire pour autant que les sujets environnementaux ne sont pas à prendre en compte, le défi climatique, c’est pour les agriculteurs un vrai chalenge et ils sont une source de solutions (...) Aujourd’hui, toutes les règles environnementales ne sont pas comprises par le monde agricole (...) Contrairement à ce qui se dit à droite à gauche, le monde agricole est très conscient de son rôle sur l’impact environnemental mais il a aussi besoin, pour accompagner les transitions, pour accompagner les sujets de décarbonation, d’avoir le moyen de le faire ».

Négociations commerciales : « aller beaucoup plus loin dans la vérification »

« Le travail qui a été fait sur la protection de la matière première agricole n’est pas une option, qui n’est pas une variable d’ajustement (...) Les agriculteurs ont subi pendant dix ans de la déflation, on attend des décisions fortes qui ne soient pas simplement des contrôles de la DGCCRF mais qu’on aille beaucoup plus loin dans la vérification. (...) On a dit notre préoccupation de voir qu’aujourd’hui un certain nombre de négociations commerciales ne se passent plus dans le cadre national mais dans le cadre européen. Si on avait un détournement de l’esprit de la loi dans le cadre européen, il faudrait aussi que le gouvernement  veille à pouvoir le corriger ».

Accords de libre-échange : « le sujet c’est celui de la cohérence »

« Les sujets Nouvelle-Zélande, Australie, Mercosur sont des sujets de préoccupation. Comment demander des exigences aux agriculteurs européens et singulièrement français en terme de qualité, de normes et ne pas exiger de réciprocité ? (...) On n’est pas du tout hostile aux échanges. IL faut éviter les caricatures. La France n’est pas une ile, on continue à commercer, on a des intérêts offensifs quand on parle des vins et spiritueux, des céréales, des produits laitiers transformés (...) Il n’est pas question d’arrêter de commercer mais on ne peut pas le faire avec des pays qui utilisent des matières actives qui sont interdites en Europe, avec des pays qui en terme de décarbonation n’ont pas les mêmes normes et je pourrais multiplier les exemples (...) Le sujet c’est celui de la cohérence ».

Ukraine : « tendre la main mais re-stabiliser les marchés »

« Bien sûr il faut tendre la main à l’Ukraine, il faut la soutenir, malheureusement, c’est l’effet ricochet, c’est des produits qui rentrent en masse et qui ne sont pas sur les mêmes normes (...) Aux gouvernants de faire discuter avec leurs homologues ukrainiens et européens pour voir comment on retrouve de la stabilité, comment on évite des déséquilibres et finalement des concurrences déloyales entre des produits qui en sont pas soumis aux mêmes règles (...) C’est du bon sens : que l’on vende à nos consommateurs ou qu’on fasse manger à nos consommateurs  les produits que l’on nous demande de produire dans notre pays ».