- Accueil
- Le pétard mouillé de François Bayrou contre l’OFB
Le pétard mouillé de François Bayrou contre l’OFB
[Edito] Le Premier ministre s’est trompé de cible en dézinguant l’OFB, oubliant que c’est au nom des normes environnementales et sociales que la France s’oppose au traité UE-Mercosur. Il est plutôt là, le terrain de chasse de François Bayrou. Sans pétard mouillé et sans petite fleur au fusil pour le coup.
« Quand les inspecteurs de la biodiversité viennent inspecter les fossés ou les points d’eau avec une arme à la ceinture, dans une ferme déjà mise à cran par la crise, c’est une humiliation, et c’est donc une faute ». C’est ce qu’a déclaré François Bayrou à la tribune de l’Assemblée le 14 janvier, au cours de sa déclaration de politique générale. Pour un Premier ministre parvenu, aux forceps, au faîte de sa carrière politique après plus de 40 ans d’engagement dans la vie publique, tirer à boulet rouge sur un établissement public garant du « vert », à l’heure d’une double crise écologique et climatique, a de quoi interloquer. Et ça n’a pas manqué. Dès le lendemain, un représentant syndical de l’OFB a réagi en déclarant sur France Inter, « l'humiliation, c'est nous qui la subissons » et assimilant, au passage, les agriculteurs à des « dealers ». Une balle perdue qui a eu le don de mettre en pétard la FNSEA, les JA et la CR.
Descendre l’OFB ?
Les deux premiers syndicats ont dénoncé de concert un « affront », une déclaration « honteuse » et « insupportable » et demandé la suspension sine die des contrôles de l’OFB dans les fermes. La Coordination rurale a quant à elle réitéré « sa volonté d’une dissolution » de l’établissement public, à tout le moins sa « transformation radicale ». En septembre dernier, un rapport d’information du Sénat, chambre qui n’abrite pas une escadrille d’écologistes, reconnaissait que le port d’arme pouvait constituer un facteur de tension lors des contrôles. Cependant, leurs auteurs s’opposaient catégoriquement au désarmement des agents de l’OFB, pour des motifs de légitimité et de sécurité. Ils préconisaient, sous condition, d’invisibiliser l’arme et d’user, sans sommation, de l’arme de la pédagogie sur la question de l’acceptation de la norme environnementale. Ce n’est visiblement pas la fenêtre de tir choisie par le Premier ministre.
Un « Varenne des normes et des contrôles »
Publié en décembre dernier, un rapport interministériel pointait le décalage « notable » entre le ressenti des agriculteurs et la réalité numérique des contrôles, ainsi que la fréquence et le poids des sanctions. Selon ce rapport, près de 90 % des exploitations ne sont pas contrôlées dans l’année, 10% font l’objet d’un seul contrôle et environ 1% de deux contrôles ou plus. En outre, Michel Barnier, le prédécesseur de François Bayrou à Matignon, a entériné le principe du contrôle unique annuel. Et en ce qui concerne le port d’arme par les agents de l’OFB, une circulaire leur impose depuis peu un port « discret » lors des contrôles administratifs, ce que le Premier ministre, nommé mi-décembre, n’a visiblement pas vu, ou pas voulu voir. La FNSEA et les JA ont en tout cas saisi la balle au bond pour réclamer un « Varenne des normes et des contrôles », une initiative en tout point salutaire pour décrypter les mythes et réalités sur le sujet, évaluer les enjeux pour la santé humaine et l’environnement, et pour fonder, sinon refonder, un pacte de confiance entre toutes les parties. `
Sans pétard mouillé, sans fleur au fusil
La balle est dans le camp du Premier ministre qui, plutôt que de dézinguer l’OFB, aurait pu être plus allant, dans sa déclaration de politique générale, sur la défense du modèle agricole français et européen, notamment face aux périls et aux banderilles de l’accord commercial UE-Mercosur, finalisé fin décembre mais « ni signé, ni ratifié », comme l’a souligné le président de la République. N’oublions pas que c’est au nom des normes environnementales et sociales que la France s’oppose à ce traité de libre-échange. Il ne s’agit donc pas d’abattre la « pyramide des normes » ou de neutraliser ceux chargés du respect de leur application. « Pour notre agriculture, le principal enjeu est celui de l’égalité des armes » a dit François Bayrou devant les députés. Certes.Mais pour mener ce combat, encore faudrait-il que la parole de la France soit audible au sein de l’UE, à un moment politique où notre pays est enrayé et semble condamné à tirer à blanc. Il est là, le terrain de chasse de François Bayrou. Sans pétard mouillé et sans petite fleur au fusil pour le coup.