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Le Dialogue stratégique, première amorce de la future réforme de la Pac post-2027
Nouvelle instance européenne chargée d’éclairer les futures orientations de la Pac, le Dialogue stratégique prône un ciblage plus marqué des aides vers les agriculteurs « actifs » qui en ont « le plus besoin », ainsi qu’un renforcement de la part du budget consacrée aux écoégimes et aux instruments agroenvironnementaux et climatiques. Sans se compromettre en chiffrages et en arbitrages financiers.
« La politique actuelle doit être modifiée pour relever les défis actuels et futurs et accélérer la transition en cours des systèmes agroalimentaires vers des systèmes futurs plus durables, plus compétitifs, plus rentables et plus diversifiés. Ces changements sont essentiels pour adapter la Pac à sa finalité dans le contexte du processus d’élargissement de l’UE ». Tel est le postulat posé dans le Dialogue stratégique sur l’avenir de l’agriculture de l’UE. Il s’agit là d’une initiative inédite dans l’histoire de la Pac, lancée par la Commission européenne début 2024 et réunissant 29 acteurs des secteurs agroalimentaires, de la société civile, des communautés rurales et du monde universitaire européens. Objectif : fournir aux institutions européennes et aux Etats membres de l’UE des orientations visant à créer « des systèmes agroalimentaires socialement responsables, économiquement rentables et durables sur le plan environnemental ».
Remis à la Commission européenne début septembre, son rapport ne constitue pas à proprement parler la première pierre de la prochaine réforme de la Pac post-2027, laquelle se matérialisera, courant 2025, par une proposition législative de la nouvelle Commission, indirectement sortie des élections européennes du 9 juin dernier. Mais le rapport du Dialogue stratégique n’en constitue pas moins une ligne directrice.
Renforcer la position des agriculteurs dans la chaîne de valeur alimentaire
Le rapport appelle la future Pac à fournir un « soutien socio-économique ciblé aux agriculteurs qui en ont le plus besoin », citant en particulier les petites exploitations et les exploitations mixtes, les jeunes agriculteurs, les nouveaux entrants et enfin les agriculteurs installés dans les zones soumises à des contraintes naturelles. « Sur la base de la viabilité économique des agriculteurs, la Pac devrait accorder une aide au revenu à certains agriculteurs actifs d’une manière beaucoup plus ciblée ». Au-delà du ciblage, il s’agit aussi d’agir sur l’écosystème, en renforçant la compétitivité des exploitations en en luttant contre les pratiques commerciales déloyales . La Commission européenne est ainsi invitée « à mieux reconnaître l’importance stratégique de l’agriculture et des produits alimentaires dans les négociations commerciales, à entreprendre un réexamen complet de ses stratégies de négociation et revoir sa méthode d’analyse d’impact avant les négociations commerciales ».
Développer un secteur attrayant et diversifié
Le rapport invite à stimuler le renouvellement des générations dans les secteurs agroalimentaires et à rendre le secteur pour les jeunes agriculteurs, en facilitant la mobilité foncière, en apportant un soutien financier adéquat, en améliorant la qualité de l’éducation et en luttant contre les inégalités entre les hommes et les femmes et le manque de diversité dans le secteur. « La vitalité et l’attractivité des zones rurales doivent être considérablement renforcées par la mise en œuvre de la vision à long terme pour les zones rurales et l’établissement d’un contrat rural européen », prône le rapport.
Promouvoir des résultats positifs en matière environnementale
En ce qui concerne les transitions et la durabilité, le Dialogue stratégique « soutient la législation existante de l’UE et s’engage à la maintenir et à la faire respecter ». Le rapport attend de la Pac qu’elle soutienne des pratiques agricoles durables à l’égard des ressources naturelles (eau, sol, air, biodiversité, paysages), en améliorant la gestion des nutriments, en progressant dans la décarbonation des engrais minéraux et en développant le biocontrôle. « La Commission européenne et les États membres doivent continuer à soutenir la production biologique ainsi que les pratiques agroécologiques », lit-on dans le rapport. Celui-ci préconise le lancement d’un système d’évaluation comparative à l’échelle de l’UE afin d’harmoniser les méthodes d’évaluation de la durabilité dans les exploitations. « Ce système devrait être fondé sur des objectifs, principes et critères communs et inclure des outils de suivi et de vérification assortis de paramètres et d’indicateurs communs. Il devrait mesurer la situation de chaque exploitation et de chaque secteur, faciliter les comparaisons entre différents objectifs et ambitions en matière de durabilité et contribuer ainsi à la mise en œuvre des mesures nécessaires pour renforcer les normes de durabilité ».
Créer des voies pour l’élevage durable dans l’UE
Dans le secteur de l’élevage en particulier, le rapport invite la Commission européenne à mettre en place un processus d’élaboration d’une stratégie sur le rôle de l’élevage, fondée sur des données scientifiques solides et sur la consultation de toutes les parties prenantes concernées. Dans les zones à forte concentration de bétail, des solutions à long terme doivent être élaborées au niveau local et financées au moyen du Fonds agroalimentaire pour une transition juste. Le rapport prône une révision de la législation relative au bien-être animal et la mise en place d’un label à l’échelle de l’UE.
Agir sur l’environnement agroalimentaire
Il est aussi question de transition alimentaire dans les attendus du Dialogue stratégique, qui attend de l’UE et des Etats membres qu’ils créent les conditions d’un environnement agroalimentaire au sein duquel « des régimes alimentaires sains, équilibrés et moins gourmands en ressources sont disponibles, accessibles, abordables et attrayants ». Relevant une tendance la réduction de la consommation de certains produits d’origine animale et à un intérêt accru pour les protéines végétales, le rapport juge « essentiel de soutenir cette tendance en réorientant les consommateurs vers des options végétales et en les aidant à se lancer dans cette transition ». En outre, il invite la Commission à procéder à un réexamen complet de la législation de l’UE sur l’étiquetage des denrées alimentaires et publier un rapport évaluant les mesures actuelles concernant le marketing ciblant les enfants. Les États membres sont invités à mettre en œuvre des mesures fiscales, sociales et budgétaires destinées à garantir le caractère abordable des denrées alimentaires pour les segments de consommateurs à faibles revenus, à renforcer le cadre relatif aux marchés publics de denrées alimentaires durables et à permettre aux banques alimentaires et aux autres organisations à but non lucratif de maximiser leur rôle.
Promouvoir une gestion solide des risques et des crises
Pour ménager les risques liés à la mise en œuvre des transitions censées réduire l’usage et la dépendance à certains intrants critiques, le Dialogue stratégique plaide pour une approche plus cohérente et plus efficace de la gestion des risques, fondée sur « une intégration plus poussée entre les outils de gestion des risques et les investissements connexes, une meilleure complémentarité avec d’autres instruments et un meilleur accès des agriculteurs aux assurances agricoles ». Le rapport préconise également une réforme de la réserve agricole « pour mieux cibler les risques exceptionnels et catastrophiques ».
La question budgétaire éludée
En abordant toutes les composantes et tous les ressorts de la Pac, le Dialogue stratégique revêt un caractère exhaustif. En revanche, il élude la question budgétaire se gardant du moindre chiffrage et encore moins du moindre arbitrage entre aides couplées et découplées, pilier 1 et pilier 2, allocation de la réserve de crise etc. Les membres du Dialogue stratégique appellent l’UE à consacrer à la Pac « un budget spécifique et approprié qui soit à la hauteur de toutes les ambitions de manière équilibrée et égale. Le soutien financier aux actions en faveur de l’environnement et du climat devra augmenter considérablement chaque année au cours des deux périodes suivantes de la PAC, à commencer par la part actuelle du budget consacrée aux éco-régimes et aux instruments agroenvironnementaux et de l’action climatique ». Le dialogue plaide pour un renforcement des Paiements pour services environnementaux (PSE), « au-delà de ce qui est requis par la législation de l’UE », en visant « le niveau d’ambition le plus élevé, en établissant un système lié à des résultats quantifiables à l’aide d’indicateurs solides ».
Sûr de son fait, le Dialogue stratégique appelle la Commission européenne, le Parlement européen, les États membres et aux parties prenantes à « adopter ses recommandations communes » et à les « traduire en décisions courageuses et rapides, à l’heure où la nécessité d’agir se fait plus pressante et où le coût global de l’inaction augmente (…) Il est admis dans les recommandations du Dialogue stratégique que la transition des systèmes agroalimentaires implique inévitablement des conflits d’intérêts et des compromis complexes qui ne peuvent être résolus qu’au moyen de compromis. Cela nécessite un point de départ stable ainsi que des fondements et objectifs communs visant à orienter la transition du secteur ».