Lactations longues : opportunités et défis pour l'élevage laitier

Face aux défis croissants de l'élevage laitier, la pratique des lactations longues émerge comme une solution innovante. Elle offre une flexibilité accrue dans la gestion des troupeaux, améliore les performances économiques et permet une réorganisation du travail. De plus, elle répond aux nouvelles attentes du marché. Toutefois, pour garantir son succès, une analyse rigoureuse et préalable est essentielle afin d'identifier ses limites et d'optimiser son application. Détail

La lactation longue dure plus de 485 jours sans mise bas intermédiaire. Elle atteint souvent deux ans et, de plus en plus fréquemment, se maintient jusqu’à trois ou quatre ans, voire plus.

Les lactations longues peuvent être choisies ou subies. Dans le cas des lactations longues choisies, les chèvres ne sont volontairement pas remises à la reproduction. À l’inverse, elles sont subies dans les cas d’échec de reproduction. Dans certains élevages, elles sont même adoptées comme une stratégie assumée.

Historiquement, bien que les lactations longues aient toujours existé, elles se sont largement développées à partir des années 1990. Elles sont apparues en réponse aux entreprises laitières encourageant le dessaisonnement afin de garantir une production en automne, période traditionnellement déficitaire en lait. Plus récemment, dans un contexte sanitaire complexe, la fragilisation de la filière chevreaux a incité les éleveurs à privilégier les lactations longues.

En 2020, selon une étude de l’Institut de l’Élevage, 57 % des élevages caprins français ont recours aux lactations longues. Cette pratique est en expansion dans toutes les régions, quelle que soit la taille des exploitations ou le système d’élevage. Dans un peu plus de la moitié des cas, elle est adoptée dès la première lactation, et dans 21 % des cas, elle est utilisée pour gérer les fins de carrière.

 

POURQUOI OPTER POUR  LES LACTATIONS LONGUES ? 

La conduite en lactation longue constitue une stratégie à part entière, adoptée pour des avantages diversifiés : gains de souplesse dans la gestion du troupeau, optimisation des résultats économiques, réorganisation du travail et adaptation aux besoins du marché.

Les lactations longues permettent d’apporter des ajustements dans la conduite du troupeau. Elles offrent la possibilité de recaler la reproduction des primipares avec celle des adultes et de leur laisser le temps de finir leur croissance. Elles aident également à réduire les pertes autour de la mise bas et à diminuer les besoins de renouvellement, permettant ainsi de conserver les chèvres à haut potentiel, même en échec de reproduction ou en fin de carrière. Sur le plan économique, les lactations longues offrent aux éleveurs un prix du lait plus avantageux en hiver et une trésorerie lissée sur l’année. De plus, des études ont montré que la production laitière est équivalente, voire légèrement supérieure à celle des chèvres en lactation classique. En effet, le lait produit pendant la période de tarissement compense la sous-réalisation au pic de lactation.

En outre, la charge de travail est réduite par la diminution du nombre de mises bas et par conséquent de l’élevage de chevreaux. Bien qu’elles permettent de produire du lait toute l’année sans la contrainte du dessaisonnement, elles imposent en revanche de traire toute l’année. 

Enfin, en s’adaptant aux exigences du marché, les lactations longues garantissent une meilleure répartition de la production sur l’année, permettant aux transformateurs de lisser leur production pour satisfaire la demande des clients. 

 

LIMITES ET POINTS DE VIGILANCE DES LACTATIONS LONGUES 

Bien que les lactations longues présentent de nombreux avantages, elles demandent une analyse rigoureuse en amont afin de maximiser les bénéfices sans compromettre la rentabilité ni la génétique du troupeau.

Cette pratique implique une organisation adaptée. L’élevage doit être en mesure de gérer deux lots distincts, notamment en période de reproduction et de tarissement. Il doit également pouvoir gérer deux rations alimentaires différentes, surtout en période de tarissement pour les chèvres gestantes. L’alimentation des chèvres en lactation longue doit être régulière et de qualité pour maintenir une bonne performance laitière et être ajustée pour limiter un engraissement excessif. Toutes les chèvres ne sont pas adaptées à une lactation prolongée. Il est recommandé de sélectionner les animaux en fonction de leur production et de privilégier les chèvres saines. Les lactations longues exigent une surveillance accrue de la concentration cellulaire, qui doit constituer un critère essentiel de réforme. 

Le nombre minimal d’animaux en lactation longue dépend de la quantité de lait minimum à livrer. Le nombre maximal doit, quant à lui, permettre de conserver un renouvellement suffisant pour maintenir la génétique du troupeau. Le taux de renouvellement peut être abaissé à 15-20 % pour les exploitations comptant plus de 30 % de lactations longues. Au-delà de 65 à 85 % de lactations longues, il est recommandé d’acheter des chevrettes à l’extérieur pour préserver le niveau génétique du troupeau.