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L’Anses révise à la baisse l’usage du prosulfocarbe
Suite à une actualisation de l’évaluation des risques pour les enfants, l’agence sanitaire réduit de 40% la dose d’usage de l’herbicide, assortie d’une ZNT de 10 mètres et combinée à des dispositifs anti-dérive, le tout à compter du 1er novembre. La Fnab et Forébio réclament de leur côté un fonds pour indemniser les producteurs bio dont les récoltes sont contaminées, sans identification de l’origine.
Une réduction des doses maximales de prosulfocarbe autorisées à l’hectare, d’au moins 40%. L’obligation d’utiliser du matériel d’application permettant une réduction de 90% de la dérive de pulvérisation et de respecter une distance de sécurité de 10 mètres avec les zones d’habitation. A défaut, l’application d’une distance de sécurité de 20 mètres le temps de s’équiper de buses plus performantes. Telle est la décision prise par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) le 3 octobre.
La décision de l’agence sanitaire est motivée par une nouvelle évaluation des risques pour les riverains, basée sur les méthodes d’estimation de l’exposition réactualisées en 2022 par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Suite à cette évaluation, l’Anses ne peut pas exclure, « pour une exposition par voie cutanée principalement, le dépassement des seuils de sécurité pour des enfants se trouvant à moins de 10 mètres de distance de la culture lors des traitements ».
En outre, d’ici au 30 juin 2024, les détenteurs d’une Autorisation de mise sur le marché (AMM) de ces produits devront impérativement transmettre des données relatives à l’impact de ces nouvelles conditions d’emploi sur la réduction des expositions des riverains. « En cas d’absence de démonstration probante, les autorisations seront retirées sans aucun délai », indique l’Anses.
En 2018, la molécule avait déjà fait l’objet de restrictions d’emploi (anti-dérive, cultures non cibles avoisinantes). Au plan européen, l’AMM du prosulfocarbe, tout récemment renouvelée, court jusqu’au 31 janvier 2027.
Une molécule très utilisée, très volatile, pas classée CMR
En France, le prosulfocarbe est depuis 2015 la troisième substance phytosanitaire la plus vendue après le glyphosate (2ème) et le soufre (1ère). Ses ventes ont été multipliées par 6 en moins de 10 ans, sous l’effet du retrait de molécules telles que l’isoproturon et de la résistance des mauvaises herbes à d’autres molécules. Le prosulfocarbe est caractérisé par une « volatilité importante », qui favorise sa dispersion dans l’air y compris après l’application.
Au vu de ces constats, l’Agence sanitaire a fait figurer le prosulfocarbe dans la liste des substances phytopharmaceutiques méritant une attention particulière dans son rapport sur les substances préoccupantes de 2020. D’un point de vue toxicologique, la substance n’est pas classée comme cancérigène, mutagène et reprotoxique (CMR). Elle peut cependant provoquer des réactions cutanées pour les personnes exposées.
Des parcelles bio contaminées... et non indemnisées
Si le prosulfocarbe est porteur d’un risque de dépassement de seuil de sécurité pour les jeunes riverains, la molécule est aussi à l’origine de contaminations de parcelles cultivées en bio, notamment de sarrasin, dont la récolte tardive intervient après les applications de l’herbicide à l’automne. Selon la Fnab et Forébio (coopératives), les destructions de cultures de sarrasin bio pour cause de contamination représentent un préjudice cumulé supérieur à 500.000 euros au cours des trois exercices passés. Mais la volatilité de la molécule rend impossible l’identification de l’origine de la contamination et par voie de conséquence le recours juridique, laissant les producteurs bio sans solution d'indemnisation.
Les deux organisations réclament la création d'un fonds spécial financé par la redevance pollution diffuse ainsi que la prise en charge du risque économique par le dispositif le Fond de mutualisation sanitaire et environnemental (FMSE). Elles attendent un signal du gouvernement dans le cadre du Projet de loi de finances 2024.