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Il est encore temps de sauver l’abattoir de Blancafort
C’est le message porté le mercredi 9 octobre par la FNSEA et JA du Centre-Val de Loire, soutenus par les salariés de l’outil menacé de fermeture d’ici la fin de l’année. Pour eux, il est tout à fait envisageable de le pérenniser en l’orientant sur l’abattage de poulets.
Depuis son rachat par le Groupe LDC en 2015, l’abattoir de Blancafort s’est spécialisé dans l’abattage et la découpe primaire de dindes 100 % halal. Une activité qui offrait un débouché aux producteurs de la région et qui occupait, jusqu’à il y a peu, encore 270 salariés dont 40 intérimaires. Occupait, car aujourd’hui ce n’est déjà plus le cas et Stéphane Pierrot, représentant CFDT des salariés de l’entreprise, craint le pire. C’est ce qui a motivé le débrayage organisé mercredi 9 octobre sur le site, mouvement auquel se sont joints les agriculteurs à l’appel de la FNSEA et JA du Cher et du Centre-Val de Loire.
TROIS SCÉNARIOS ENVISAGÉS
Dès juillet dernier, les responsables avicoles de la FNSEA et JA de la région avaient tiré la sonnette d’alarme. Ayant eu vent des projets d’une éventuelle fermeture du site, ils avaient rencontré Bruno Mousset, directeur du pôle amont du Groupe LDC, pour comprendre la stratégie de l’entreprise. Celle-ci s’inscrit dans un contexte très défavorable à la filière française de dindes. Depuis vingt ans, la production a été ramenée de 2 millions à 600 000 têtes.
Dans l’Hexagone, le consommateur privilégie le poulet, espèce pour laquelle la génétique a fait beaucoup de progrès afin d’en améliorer le rendement en viande. Et à l’export, essentiellement européen, la dinde française subit la concurrence principalement de la Belgique et de l’Allemagne où on élève « des souches plus grosses et plus rentables car elles s’adressent également au marché de la charcuterie, avec un meilleur équilibre matière en France », avait précisé le directeur.
Une situation qui a placé l’abattoir dans le rouge depuis 2018, qui se traduit par un déficit cumulé de 27 millions d’euros, les pertes étant évaluées entre 800 000 et 1 million d’€ par mois. D’où les trois scénarios envisagés par le Groupe LDC. Le premier consiste à ramener l’activité à 20 000 dindes par semaine et réduire les effectifs salariés en conséquence. Le second porte sur la recherche d’un repreneur et le troisième prévoit la fermeture pure et simple de l’outil. L’option retenue devrait être annoncée d’ici la fin de l’année.
DES MACHINES-OUTILS DÉJÀ VENDUES
En ce début d’automne, les salariés ne sont pas du tout optimistes. « La direction nous a mis au courant de la situation au mois d’août uniquement, ce qui est difficile pour nous salariés de nous retourner si le site devait fermer. Nous allons nous retrouver sans emploi car pour l’instant la direction n’a pas prévu de reclassement », déclare Stéphane Pierrot. Les signaux enregistrés en interne depuis quelques temps ne sont pas de bon augure pour la suite.
Quarante emplois intérimaires ont déjà été supprimés depuis cet été et sur les 230 salariés du début de l’année, il n’en reste que 130, « mais jusqu’à quand ? », s’inquiète le syndicaliste. « Avec 20 000 dindes par semaine, l’abattoir ne tourne qu’à 30 % de ses capacités, il faut au moins 50 000 volailles pour être rentable », poursuit-il. Il craint bel et bien la fermeture de l’abattoir, d’autant que « des machines-outils sont déjà vendues », constate-t-il.
Toutes ces inquiétudes sont partagées par les aviculteurs de la région. « Si le site ferme, la cinquantaine de producteurs fournisseurs du Loiret, du Loir-et-Cher, de l’Indre et du Cher n’auront plus de débouchés de proximité. La filière avicole régionale sera en danger, alors que nos éleveurs sont performants et produisent de la qualité », résume Alexandre Cerveau, secrétaire général de la FNSEA Centre-Val de Loire et de celle du Cher. Un message que le syndicat régional n’a eu de cesse de répéter aux élus locaux et nationaux depuis des semaines, sans effets probants pour l’instant.
DES POULETS À LA PLACE DES DINDES
« Nous souhaitons la poursuite de l’activité à l’abattoir de Blancafort, c’est une question d’économie locale. Quel avenir pour nos territoires si les agriculteurs perdent leurs outils de production ? Quels autres débouchés auront-ils ? », s’interroge Alexandre Cerveau avant de poursuivre : « alors que la France importe 50 % des volailles, quid des groupes agro-alimentaires qui investissent à l’étranger ? », citant l’exemple de ce même Groupe LDC qui a investi récemment dans une usine d’abattage en Pologne et qui concurrence directement la production française. « Ce constat montre qu’il y a du potentiel en France et à Blancafort. Nous devons maintenir notre outil de production, quitte à faire du poulet, en gros, en standard », pointent les responsables de la FNSEA et JA du Centre-Val de Loire. Basculer de la dinde au poulet est, en effet, une des solutions pour rentabiliser l’outil d’abattage et répondre à la demande croissante de la consommation. « L’usine est adaptée pour des gros poulets, soit 8 kg, un segment de marché particulier existe pour ça », considère Stéphane Pierrot, qui évoque aussi la possibilité de « se remettre à la transformation du produit ».
Une stratégie qui convient tout à fait aux acteurs de l’amont. « Les producteurs de volailles peuvent s’adapter et réorienter leur production pour répondre à une demande », affirme Alexandre Cerveau.
C’est dans un esprit de responsabilité que les salariés et les producteurs entendent participer à la survie de l’abattoir jugée indispensable à la filière avicole régionale, ont-ils fait savoir aux élus qu’ils avaient conviés à la manifestation du 9 octobre.