Fourrages et moissons 2024 : l’alarmisme des syndicats

Avec des pertes en rendement, en qualité et en prix, les céréaliers évoquent une triple peine tandis que les éleveurs pointent la faiblesse de l'assurance récolte face aux intempéries. Tous en appellent à l’Etat, aux banquiers et aux assureurs.

« Un effondrement de la production (…) En moyenne, les producteurs français récoltent 30 % de céréales en moins par rapport à 2023 (…) Sans céréaliers sur notre territoire, c’est la souveraineté alimentaire du pays qui est menacée (…) Pas de céréales, pas de pain, pas d’aliments pour nourrir les troupeaux (…) La France court à la catastrophe ». La Coordination rurale n’a pas lésiné sur les mots et sur les formules pour décrire un tableau particulièrement sombre de la moisson 2024. Et ce n’est pas tout. « La qualité des grains est inférieure aux normes ce qui provoque des réfactions et pour ne rien arranger, les producteurs doivent faire face à la concurrence des prix de la mer Noire contre laquelle ils ne peuvent pas lutter ».

Les estimations d’Arvalis et du ministère

Début juillet, Arvalis avait estimé la production de blé tendre à 29,7Mt, potentiellement la deuxième plus faible récolte des 20 dernières années, derrière 2016 (27,6Mt) et devant 2020 (29,1Mt) et un rendement moyen de 64q/ha en 2024, soit -13% par rapport à 2023 et -11% par rapport à la moyenne décennale. De son côté le ministère de l’Agriculture se montrait un peu plus optimiste avec un rendement moyen du blé tendre de 69,9 q/ha (contre 73,8q/ha en 2023) mais une production passant sous le seuil symbolique des 30Mt. Le rendement moyen de l’orge d’hiver s’établirait à 64,3q/ha, en retrait de 9,3% sur un an et celui de l’orge de printemps à 56,6q/ha en retrait de 2%. Le blé dur serait stable à 54,1q/ha. Le rendement moyen du colza est quant à lui annoncé à 29,5q/ha, en baisse de 6,9% par rapport à 2023.

Du côté des protéagineux, la FOP a lancé le 24 juillet une alerte quant aux risques de voir les producteurs enregistrer des pertes économiques et se détourner d’une espèce indispensable aux rotations et à la quête d’autonomie protéique. Dénominateur commun à toutes ces bévues : des pluies régulières et continues du semis jusqu’à la récolte (+40% en moyenne en France par rapport aux 20 dernières années), une forte pression des adventices et des maladies et enfin une baisse du rayonnement affectant une grande partie du territoire (-7% en moyenne sur la France par rapport aux 20 dernières années et jusqu’à -15%).

Les doléances des syndicats

Du côté de la FNSEA et des JA, on se montre moins alarmiste que la CR, tout en évoquant « l’ampleur nationale des dommages et pertes ». Et de réclamer, en guise de « premières décisions », des procédures de reconnaissance en calamités agricoles, en catastrophes naturelles et des dégrèvements de taxe sur le foncier non-bâtis. 

"Des mesures exceptionnelles de trésorerie devront être élaborées rapidement pour aider les agriculteurs à passer ce cap difficile"

Les deux syndicats demandent également que « les assureurs soient particulièrement réactifs quant aux sollicitations des assurés mais aussi des agriculteurs qui les ont choisis comme interlocuteurs agréés chargés d’instruire et verser l’Indemnité de solidarité nationale pour le compte de l’Etat. Des mesures exceptionnelles de trésorerie devront être élaborées rapidement pour aider les agriculteurs à passer ce cap difficile ».

La CR demande à « réfléchir à un plan de sauvetage des exploitations céréalières » et suggère la mise en place d’une « cellule de veille » au ministère afin « de mutualiser les informations et d’assurer l’efficacité des remontées de terrain ». Le syndicat réclame également une année blanche de cotisations MSA, ainsi qu’une année blanche au niveau des banques. « Cette solution s’impose d’urgence, les céréaliers ne pourront pas payer », invoque la CR.

Les éleveurs dénoncent des « engagements non tenus »

Les éleveurs de ruminants, par les voix de la FNB, de la FNEC, de la FNO et de la FNPL dénoncent de leur côté d’un angle de l’assurance des prairies, qui serait davantage rompue à appréhender les sécheresses que les excès de pluviométrie ou encore la grêle. Et de réclamer, en plus de cette correction, le déploiement total de l’Observatoire national de la pousse de l’herbe (ONPH), une évolution les modalités de recours contre l’indice ou encore l’information des producteurs de l’évolution de l’indice satellite, au fur et à mesure de l’avancée de la campagne, autant d’engagements « pris par les pouvoirs publics et non tenus » affirment les quatre fédérations.