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Filière de la volaille : le marché français se fait plumer
La filière de la volaille semblait bien se porter. Mais la Cour des comptes vient de se pencher sur ses rouages et a soulevé quelques lièvres : en matière de stratégie, la profession pourrait être davantage compétitive.
Saine et économique, la viande de volaille ne cesse de conquérir le cœur des Français. Dans l’hexagone, sa consommation est de 28,8 kg par habitant et arrive sur la deuxième marche du podium, la première étant toujours occupée par la viande de porc. Tout laisse présager (mais rien n’est écrit à l’avance) qu’elle pourrait poursuivre son ascension. D’après les données du panel consommateur Kantar Worldpanel, sur un cumul de 6 mois en 2024, les achats des ménages de viandes fraîches et élaborées de volailles, ont augmenté de 7,6 %. Quelques produits se distinguent avec en tête, le poulet qui représente 79,8 % de la filière de la volaille de chair en 2023, avec une progression de 0,2 % par rapport à 2022. Vient ensuite la dinde : 12,2 % de la volaille consommée en France. Mais le marché est orienté à la baisse (moins 0,6% depuis 2022). A l'inverse, le canard progresse de 0,6 % sur la même période;
Orienter la filière vers les attentes des consommateurs
Cependant, la production et la commercialisation pourraient être encore plus performantes. Un constat mis en exergue dans le dernier rapport de la Cour des comptes, publié ce 3 septembre. Le poulet du dimanche n’est plus compétitif. En effet, la France a choisi dès les années 80, d’orienter sa production vers du qualitatif et donc, pour la plupart, labellisée : bio, label rouge, AOP… Mais elle est principalement choisie pour être cuisinée à la maison. Un secteur moins dynamique que celui de la consommation hors domicile, qui connaît une progression exponentielle. Elle est passée de 8 % en 2005, à 35 % en 2023 ! C’est elle qui porte la croissance de la consommation française de volaille de chair.
Des importations en hausse
Selon le rapport de la Cour des comptes, les besoins de la restauration et de l’industrie sont principalement tournés vers les découpes de poulets lourds et standards, qui “ne sont pas assurées par la production nationale”. Par conséquent, ce secteur importe massivement depuis l’étranger. Une réalité regrettable quand on sait qu’il y a quelques années, la France a été la plus grande productrice en Europe. Pour des raisons de coût, “un poulet consommé sur deux est désormais importé”. La viande de volaille importée provient à “94 % des autres Etats membres de l’Union européenne”, en particulier de Pologne (+11 % cette année). Il faut donc que la filière française se ressaisisse et inverse la tendance. Pour l’instant, il est peu probable que la boîte de 6 nuggets à moins de 10 € soit française, encore moins Label Rouge !
Bien-être animal ou perte de marché ?
Le poulet standard pourquoi pas ? Mais un poulet confiné dans une cage de 30 cm, non. L’ European Chicken Commitment - L’Engagement européen sur le poulet - (ECC), initié en 2017 par une trentaine d’ONG européennes de protection animale, a pour objectif d'améliorer les conditions d’élevage des poulets élevés sans accès à l’extérieur. En France, les principaux distributeurs se sont engagés à respecter l’ECC d’ici 2026. Le bien-être animal est une demande forte chez les consommateurs. Cependant, l’application des critères du cahier des charges engendrerait une augmentation des coûts de production, selon l’étude réalisée par le cabinet indépendant ADAS pour le compte de l’Association européenne des transformateurs et du commerce de la volaille (AVEC), publiée le 22 mai dernier. Ce surcoût risque de détourner certains consommateurs et certains opérateurs culinaires vers des produits moins chers, donc en provenance de l'étranger. Rappelons-le, hors de l'Union européenne, le respect de l’animal est moindre et les élevages sont gargantuesques. Une concurrence féroce et qui ne risque pas de limiter les importations de volaille en France.
Les enjeux selon le rapport de la Cour des comptes
La filière de la volaille a donc du pain sur la planche. Pour être plus compétitive, elle devra “accroître sa couverture du marché national pour répondre à la demande” avec une “adaptation de la production” et une “adaptation des modes de production (environnement, bien-être animal et risques sanitaires). La Cour des comptes conseille également de recentrer les objectifs et de se concentrer en priorité sur cette nouvelle demande des consommateurs pour ne pas laisser davantage de place aux importations. En revanche, produire en quantité tout en respectant l’Engagement européen sur le poulet aura forcément un coût. La production sera plus qualitative qu’ailleurs et donc plus chère. Certaines coopératives, comme le groupe Eureden, aideront leurs éleveurs financièrement et administrativement, mais quid des autres structures ? La viande de volaille ne bénéficie pas de la PAC. Comment seront financés ces grands changements ?
Comment sera rémunéré l’éleveur ? Le consommateur acceptera-t-il de payer quelques centimes de plus un poulet standard ? Quel avenir pour les volailles labellisées ? Et les éleveurs engagés dans des filières de qualité pourront-ils suivre le train ? Autant d'incertitudes qui pèsent sur toute la profession. Et qui donnent la chair de poule !