- Accueil
- Crise viticole : « Il suffirait de payer la bouteille 20 centimes de plus pour sauver la viticulture »
Crise viticole : « Il suffirait de payer la bouteille 20 centimes de plus pour sauver la viticulture »
Pour Arnaud Poitrine, de la Coordination rurale de l’Hérault, le programme de réduction du potentiel viticole est une « impasse ». A 10 jours de la clôture du dispositif, 10 051 hectares ont été enregistrés par FranceAgriMer au plan national, dont 5 814 hectares en Languedoc-Roussillon.
En Languedoc-Roussillon plus qu’ailleurs, la viticulture retient son souffle. Ses quatre départements viticoles (Aude, Gard, Hérault, Pyrénées-Orientales) pourraient en effet rafler l’essentiel du dispositif de réduction du potentiel viticole, négocié par la France auprès de la Commission européenne, allouant au mieux 4000€/ha à l’arrachage définitif, dans la limite de 120 millions d’euros.
A dix jours de la clôture du dispositif (le 13 novembre à 12 heures), le relevé provisoire de FranceAgriMer en date du 4 novembre fait état de demandes à hauteur de 10.051 ha, avec une moyenne de 4,75 ha par dossier. Et sans surprise, le Languedoc-Roussillon se classe en tête des demandes, qui pointent à 5 814 ha, soit plus de la moitié du total national, avec en tête l’Aude (1 959 ha), devançant le Gard (1 715 ha), l’Hérault (1 224 ha) et les Pyrénées-Orientales (917 ha).
Pour Arnaud Poitrine, secrétaire général de la Coordination rurale de l’Hérault, ce plan d’arrachage est « un très mauvais calcul ». « 4000€/ha, cela ne permet pas de partir dignement car il ne restera pas grand-chose après avoir payé les frais d’arrachage, explique-t-il. On va arracher des vignes en bout de course, cela fera beaucoup d’hectares mais peu d’hecto mais suffisamment pour perdre des parts de marchés à l’export car si la consommation baisse en France, elle se maintient au niveau mondial ».
Le viticulteur livre son raisin à la Cave de l’Estabel à Cabrières (Hérault). Cette année, la coopérative a enregistré la plus petite récolte de son histoire, soit 11.000hl contre 15.000hl en moyenne ces années passées, à surface constante (350ha). La faute à la sécheresse ou plus exactement aux sécheresses à répétition qui sévissent dans le Midi. « Depuis la canicule de 2019, on a le sentiment que tout est déréglé », explique le viticulteur, qui a subi le gel massif de 2021 et qui enregistre un déficit cumulé de 80.000 euros sur les trois exercices passés, avec un chiffre d’affaires divisé par deux en six ans. « Pendant des années, mon exploitation a été viable et tout a basculé il y a 5 ou 6 ans ».
« On est un métier où on ne sait pas combien on va produire, combien ça va coûter et combien on va vendre »
Le viticulteur n’a pas déposé de dossier d’arrachage. Il n'a pas non plus déposé le bilan mais au prix d’une dette familiale et de crédits bancaires. « La vente ne couvrirait pas les emprunts », souligne celui qui ne s’imagine pas travailler autre chose que ses 24 ha de vigne depuis 24 ans tout en demeurant lucide. « On est un métier où on ne sait pas combien on va produire, combien ça va coûter et combien on va vendre, une équation avec que des inconnues ».
La diversification dans l’olive, la pistache ou la grenade ? « Sans eau, il ne faut pas y penser. Il faut permettre la création de petites retenues collinaires à taille humaine, plaide-t-il. Il suffirait de payer la bouteille 20 centimes de plus pour sauver la viticulture ». Une supplique à l'adresse des négociants, de la grande distribution, des consommateurs et de l’Etat, ce dernier étant notamment invité à mettre de l’eau dans... la loi Evin.